En quête d'humanité

Publié le par Amelie Meffre

Longwy, 1979-1980/Crédit : Pierre Trovel//

Longwy, 1979-1980/Crédit : Pierre Trovel//

A l’occasion de la création de la pièce « Huit heures ne font pas un jour » d’après Fassbinder, le Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis accueille une expo de photos de Pierre Trovel, reporter à « l’Humanité » durant 35 ans.
A voir jusqu’au 17 décembre.

« En quête d’humanité » : l’exposition des photographies du reporter-photographe Pierre Trovel est un échantillon du formidable fonds photographique que ce dernier a déposé en 2015 aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis. Soit 382 000 clichés, pris entre 1960 et 2014 (*). Après avoir été présentée en janvier 2020 dans les locaux des Archives, l’expo se tient au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis en écho aux représentations de la pièce tirée du feuilleton réalisé en 1972 par Rainer Werner Fassbinder (voir Encadré). Alors que le réalisateur dépeignait la classe ouvrière allemande, le photographe couvrait pour « l’Humanité » les nombreuses grèves accompagnant la désindustrialisation en France. Une effroyable saignée quand on sait que rien qu’en Seine-Saint-Denis, entre 1976 et 1984, 38 000 emplois furent supprimés.
Mécano, Cazeneuve, Talbot, Alsthom… A travers une soixantaine de photographies noir et blanc, on retrouve ainsi les ouvriers de Renault-Billancourt, le portrait d’un mineur marocain de Courrières, les ouvrières de l’usine Pilotaz de Chambéry, l’imprimerie Chaix d’Issy-les-Moulineaux détruite ou encore les sidérurgistes occupant le toit de l’Opéra Garnier.

Fontenay-sous-Bois, mars 1977/Crédit : Pierre Trovel

Fontenay-sous-Bois, mars 1977/Crédit : Pierre Trovel

Des clichés-témoignages
Images fortes souvent terribles quand on sait que les combats âpres furent rarement glorieux, elles témoignent des années de transformation économique où des milliers de salariés se sont retrouvés sur le carreau. Ces  clichés peuvent être étonnants comme celui des ouvrières occupant l’usine Bertrand-Faure fumant leurs clopes allongées sur les rouleaux de tissus, parfois drôles telles celle nous montrant une manif de l’Union des vieux de France s’abritant sous un store siglé « Pieds sensibles médical »… Après avoir été photographe à la mairie de Saint-Denis de 1967 à 1975, Pierre Trovel intègre la rédaction de « l’Humanité » jusqu’à sa retraite en 2010. Autant dire qu’il en a couvert des conflits jusqu’à ceux de Longwy. Là, une photographie d’une arrière cour avec les hauts-fourneaux en toile de fond ; ici, un slogan sur une palissade : « Par la lutte, Longwy vivra »…
Au-delà des luttes, le reporter photographie aussi la banlieue en mutation : des minots près d’un toboggan faisant face à la cité des « 4000 » de la Courneuve, la silhouette d’un jeune se détachant d’une vue des tours de Fontenay-sous-Bois, l’immense chantier du RER de Marne-la-Vallée ou encore la liesse des gamins de Saint-Denis lors de la victoire des footballeurs français en 2000… On suit aussi le quotidien d’une époque : des enfants entassés dans un 9m2 rue du Paradis (quelle ironie !) à Paris, un groupe de jeunes hommes dans un café en Moselle ou un couple souriant et dansant dans un café du côté de la gare du Nord…

Une formidable plongée dans le temps et dans l’espace à ne pas manquer.

(*) On peut consulter une partie des photographies numérisées sur le site des Archives départementales de la Seine-Saint-Denis.

« En quête d’humanité », exposition des photographies de Pierre Trovel jusqu’au 17 décembre au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, 59, boulevard Jules Guesde 93200 Saint-Denis.

 

Encadré
« Huit heures ne font pas un jour »

En quête d'humanité

« Il faut juste l’encourager. C’est facile pour personne de sauter par-dessus sa condition », écrivait le dramaturge Rainer Werner Fassbinder, dans « Huit heures ne font pas un jour ». La nouvelle directrice du TGP de Saint-Denis, Julie Deliquet, a eu la bonne idée d’adapter pour le théâtre le feuilleton réalisé par le cinéaste, diffusé à la télévision allemande en 1972. « Huit heures ne font pas un jour » connut un énorme succès en Allemagne. Peu connu en France, son adaptation théâtrale est l’occasion de le découvrir. On y suit la famille Krügger-Epp de la classe ouvrière, impliquée dans les grands mouvements d’alors : luttes sociales, droits de la femme et de l’enfant, possibilité de se loger et de vivre dignement à la retraite, premières tentatives d’autogestion… Nous n’avons malheureusement pas pu voir la pièce lors de sa création au TGP de Saint-Denis mais plein de dates sont prévues pour se rattraper.

Du 5 au 7 janvier 2022, Domaine d’O, Montpellier ; le 14, Espace Marcel Carné, Saint-Michel-sur-Orge ; du 19 au 23, Théâtre des Célestins, Lyon ; du 2 au 4 février, MC2 de Grenoble ;  les 9 et 10, La Coursive, scène nationale de La Rochelle ; du 16 au 18 février, Théâtre de la Cité, Toulouse ; les 24 et 25, Comédie de Colmar ; les 4 et 5 mars, Châteauvallon – Le Liberté, scène nationale, Toulon ; du 10 au 12, Théâtre Joliette, Marseille ; les 17 et 18, Théâtre de l’Union, Limoges ; du 23 au 25, Comédie, Reims ; les 6 et 7 avril, Comédie de Caen.

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