La culture dans la lutte

Publié le par Amelie Meffre

La culture dans la lutte

Depuis début décembre, c'est chaud bouillant contre la réforme des retraites et bien au-delà. Les artistes connus ou à découvrir prennent part au combat comme les salariés de Radio France en grève. Tour d'horizon.

« Où sont les saltimbanques ? » tonne Bruno Gaccio aux côtés d'Yvan Le Bolloc'h dans une vidéo qui circule sur Internet en pleine bataille sociale. Les deux compères cogitent à un « show biz bloc » pour faire tampon entre les cognes et le reste du cortège lors de la prochaine manif. Gaccio pense à Denizot mais il a pour seul numéro : « Odéon 3412 ». Tant pis pour « son côté transgénérationnel », Le Bolloc'h sort son joker : Line Renaud ! « Si on la met devant, les CRS n'oseront jamais... » Le sketch est hilarant mais pas que. Idem du côté de François Morel livrant à la radio son billet le 6 décembre : « Le seul président qui aura vraiment fait quelque chose pour les retraites en France, c’est Pompidou. (...) Voilà un garçon qui a cotisé toute sa vie en étant professeur, directeur général de banque, haut fonctionnaire, Premier ministre, président de la République et qui est mort en plein mandat présidentiel à 62 ans sans jamais toucher un seul centime de sa pension de retraite. » Ce jour-là, la matinale de France Inter n'est pas en grève mais ça chauffe dans les couloirs depuis une quinzaine de jours.

 

« Chères auditrices, chers auditeurs, nous sommes le lundi 25 novembre 2019, premier jour de grève à Radio France. Nous sommes le collectif Radio Dedans Dehors. Et c'est à la fois de dedans et de dehors que nous souhaitons vous parler.» Grâce à Internet, les grévistes s'unissent pour monter une Web radio et expliquer le pourquoi de la lutte : 60 millions d'économie, 300 suppressions de postes, la mort des trois dernières locales de Fip (Strasbourg, Nantes et Bordeaux)... Un mauvais plan annoncé en même temps que les records d'audience des chaînes publiques. Pour tenir, les salariés ont mis en place une caisse de grève et une pétition qui enregistrait début janvier plus de 182 000 signatures.

La culture dans la lutte

Répliques artistiques

Pour aider les salariés de la Maison de la Radio, un concert de soutien était organisé le 14 janvier au Petit Bain. Sur scène, les motivés Mouss & Hakim, les musiciens des orchestres de Radio France, les humoristes de France Inter ou encore la fanfare des Tarace Boulba. Rebelote mercredi 22 janvier au Cirque Phénix, la CGT organise un méga concert dont la recette sera reversée aux grévistes. On pourra y entendre notamment Cali, Clarika, Didier Super, Yvan Le Bolloc'h, Lénine Renaud ou encore HK. Au cœur des cortèges, son « On lâche rien » fait toujours recette et c'est tant mieux car l'artiste enchaîne spectacles et roman (« Le cœur à l'outrage », Editions Riveneuve ).

 

« Problèmes d'accès aux soins médicaux, de scolarisation des enfants, d'hébergement des personnes âgées, d'hébergement tout court, d'emploi, de tout, partout. Toujours, le même sentiment, celui d'un abandon extrême, sournois, toujours contesté mais toujours plus tangible. » Vincent Lindon, remarquable dans « En guerre » de Stéphane Brizé, signe un édito uppercut dans « Les Échos » du 1er décembre. Du côté du théâtre, aux Bouffes du Nord, la troupe fait grève, la représentation d’Architecture du 10 décembre est annulée. La pièce de Pascal Rambert avec une foule de comédiens dont Emmanuelle Béart, Stanislas Nordey et Jacques Weber ne se joua donc pas après la manif monstre de la journée. Une semaine après, la troupe d'Arianne Mnouchkine défilait, les musiciens de l'Opéra de Paris entonnaient la Marseillaise à Bastille avant que les petits rats tourbillonnent le 24 devant Garnier.

 

« La retraite avant l'arthrite »

Dans les manifs, les graphistes peaufinent des slogans percutants, les comédiens accompagnent la danse à l'image de la compagnie Jolie Môme. Il faut dire que ces troubadours de Saint-Denis taquinent à l'envi Bertolt Brecht, génial dramaturge dont les textes tombent toujours à point nommé pour fustiger le capitalisme. « Lorsque qu'un homme assiste sans broncher à une injustice, les étoiles déraillent. » Les sonos ne sont pas en reste avec les chants d'hier et d'aujourd'hui.  « On va prendre cher pour nos alliances contre nature, on va prendre cher d'avoir regardé nos chaussures », chante Bernie du groupe Trust. Leur dernier album « Fils de lutte » est un hymne à la bataille. Le rock cogne juste. Le rap aussi : « On travaille comme des esclaves, toujours pas de pouvoir d'achat/On ne se sent comme des lions qui mangent des croquettes pour chats. (…) Quand la France a un rhume, la Belgique éternue. Gilets jaunes, on bloque tout/Bloque tout ! ». C'est depuis Bruxelles que les chanteurs scandent leurs paroles sur le tempo de « We will rock you » de Queen. Des échos de colères furent encore lancés par Jean-Louis Murat ou Cécil Mévadat dans son dernier album « Les temps difficiles ». Damien Suez taquine l'outrage avec « Manu dans l'cul » dans son dernier album « Ni Dieu ni Maître ». Si on apprécie moyen ses embardées contre Brigitte Macron, on salue sa plume déchaînée.

La littérature a de tous temps servi d'étendard. Nuit debout en mai 2016 était en toile de fond du tome 3 de « Vernon Subutex ». « C'est terminé l'époque de l'abolition de l'esclavage, ou du Front Populaire. Plus personne ne veut en finir avec la misère. On avait besoin de main-d’œuvre, on était condamnés à négocier avec vous, les travailleurs. On n'avait pas le choix. Mais avec l'automatisation - on s'en fout des prolos. On va vous tuer. » Le texte de Virginie Despentes reste gravé dans nos mémoires pour longtemps.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article