La bourse du travail d'Arles ou l'ironie de l'histoire

Publié le par Amelie Meffre

La bourse du travail d'Arles ou l'ironie de l'histoire

Bonne nouvelle : l'union locale CGT d'Arles (13) édite une « Histoire de la Bourse du Travail. XVIIe-XXIe siècles » qui fut un hôpital de la Charité avant de devenir un bastion syndical. Retour sur la soirée de présentation de l'ouvrage.

La soirée est douce ce 20 septembre 2019 sur Arles, les Rencontres de la photo s'achèvent et les touristes sont encore légion autour des arènes ou de l'église Saint-Trophime. A la veille des Journées du patrimoine, une centaine de personnes est venue célébrer un autre monument de la ville : la Bourse du travail. Situé entre la Muleta, société taurine fondée en 1906 et le laboratoire d'écologie du CNRS, le bâtiment trône majestueux du haut de ses quatre siècles d'existence mouvementée. Avant que les historiens Odile Caylux et Robert Mencherini, auteurs d'une « Histoire de la Bourse du Travail d'Arles. XVIIe-XXIe siècles » passionnante, ne livrent conférence, Claude Mas, ex-secrétaire de l'union locale (UL), responsable de l’USR CGT 13, nous fait visiter les lieux. Entièrement rénovés, suite à une décision du conseil municipal en 2001, ils sont pour le moins surprenants. Au rez-de-chaussée, la grande salle de réunion a repris son apparence d'église avec ses niches depuis que la nef n'est plus coupée par un plancher et la petite chapelle est dédiée aux retraités cheminots. Une place de choix en rapport avec l'histoire d'Arles qui fut dès le milieu du XIXe siècle liée au développement du chemin de fer en accueillant les ateliers de la SNCF jusqu'à leur fermeture en 1984.
Sur la passerelle qui mène aux bureaux du premier étage, un très
beau tableau de Guy Montès datant de 1950, montrant deux résistants abattus en plein champ avec des vers de « La rose et le réséda » d'Aragon. Décidément, l'histoire hante les lieux comme les anciennes unes de la VO qui ornent les couloirs. On sourit en chœur avec Claude quand elle nous confie : « C'est la plus belle union locale de France voire du monde ».

 

La bourse du travail d'Arles ou l'ironie de l'histoire

De la charité à la solidarité

En bas, la conférence ne va pas tarder à commencer, on a rajouté des chaises pour caser tout le monde. Véronique Neff, secrétaire du l'UL, présente l'équipe qui a œuvré pour que le livre voit le jour : Lucien Gay de l'USR, Rose Hô, graphiste, Pascal Bois, photographe et bien sûr les historiens. Avant de leur laisser la parole, Véronique prononce un discours coup de poing sur l'actualité quand le modèle social est attaqué par Macron comme l'extrême-droite et clame l'importance de la solidarité et de la fraternité. Aux antipodes de la « charité » prônée au XVIIe siècle par Louis XIV. Comme l'a rappelé Odile Caylux, la décision de fonder l'hôpital de la Charité remonte à la fin du XVIe siècle quand la misère règne à Arles à la suite des guerres de religion et que la politique royale entend mettre en place le grand enfermement des pauvres. L'histoire locale se conjugue avec la nationale. Des archers sont alors armés pour arrêter les mendiants et les enfermer dans l'hôpital qui ouvre en 1661 et se trouve vite surpeuplé – on comptera 6 personnes par lit en 1705. Discipline de fer et travail obligatoire pour les pensionnaires, la charité est rude. Le bâtiment deviendra un asile à compter de la Révolution puis un haras national sous Napoléon 1er en 1808, une salle des ventes avant de devenir Bourse du travail en 1901.

Robert Mencherini poursuit l'exposé nous contant ce 17 février 1901 où la ville était en liesse pour inaugurer ce « palais des travailleurs » et les premières heures de la Bourse quand elle fait office de bureau de placement et œuvre à l'éducation des militants. Les ouvriers agricoles du syndicat La Ferme et les cheminots du Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) sont alors en nombre. L'historien n'a pas manqué de nous rappeler les tensions avec la municipalité sur la nomination notamment du concierge des lieux, les grandes luttes et même l'attentat du 28 novembre 1961 quand l'OAS déposa une bombe à proximité de la Bourse. Dans la salle, Franck Rondini, né en 1935, se souvient qu'il couchait alors avec des camarades à la Bourse pour monter la garde et qu'ils avaient installé des gros rétroviseurs pour surveiller l'entrée...

D'autres témoignages se succèdent et notamment de plus jeunes syndiqués qui saluent les reines de la soirée : Claude Mas et Véronique Neff. « Deux grandes dames », dixit Karima, syndiquée depuis 2015 qui bataille dans un centre social. Même son de cloche chez Rose et Cathy, licenciées d'Harmonia Mundi. « C'est un lieu chargé de sentiments puissants et humains », conclue Nicole qui vint en 1997 à la Bourse lors de la création des comités de chômeurs. « Les indigents étaient forcés d'intégrer l'hôpital de la Charité. Moi, j'ai été accueillie ici et j'y ai même eu des responsabilités. » Belle ironie de l'histoire.

Article paru dans "Vie nouvelle" Novembre-décembre 2019

Pour commander l'ouvrage : Union locale CGT d'Arles

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