Chronique de la dèche 8

Publié le par amelie meffre

 Casse-dalle

 

 

« Qu’est-ce que tu veux ?! » que je finis par lui lancer à la gamine, qui me suit depuis un p’tit moment.

Sale, dix ans, peut-être douze. Difficile de savoir, c’est son regard qui embrouille, presque adulte. Pourtant c’est bien celui d’une môme, y’a pas de doute, quand il se pose sur le sandwich que je viens d’acheter.

Evidemment, je me sens con de l’avoir rudoyée.

Je sépare mon casse-dalle en deux, même pas trois mètres après être sortie de la boutique anglaise, branchée de la rue Saint-Honoré ; 30 francs, le jambon-fromage : le jambon, c’est du bacon ; le fromage, de la mimolette.

Enfin en deux, faut être honnête, pas tout à fait : le bout que je lui file est plus petit que le mien. Je m’engouffre dans la station Concorde, après lui avoir frictionné la doudoune, d’un beige bien crade.

Empêtrée entre mon parapluie, mon sandwich, mon paquet, pas simple de passer le tourniquet. Enfin, c‘est fait, direction Créteil. Je pense au précepte des curetons sur le partage, sur autrui. Je me dis : mais pourquoi tu lui as pas filé ton casse-croûte à la gamine ? Je me sens con. Au moins, j’aurais pu lui tendre l’autre moitié, la plus grosse.

Faut que j’en parle à ma copine catho de gauche, sept de théologie. On pourra deviser sur le partage. En attendant, je me sens con avec mon sac Laura Ashley. Je viens de faire les soldes : deux robes pour 480 francs au lieu de 2000 balles, ça vaut le coup.

Le métro débarque, je jette la serviette en papier qui entourait mon bout de casse-dalle. J’ouvre ma doc sur les travaux d’intérêt général.

La digestion peut commencer.

Publié dans Chronique de la dèche

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