Chronique de la dèche 3
Yvan
Pas vieux le minot qui traverse la rue pour venir nous taxer quelques piècettes à la terrasse du café. C’est cool, le marché bat son plein juste en face, je viens de m’offrir une plante magnifique rouge orangée qui trône joliment emballée à nos côtés. Et puis, le caoua est bon, la clope aussi. Je vais pas lui refuser au petiot. C’est un euro qui me vient direct du porte-monnaie. Allez, soyons royaux aujourd’hui, on est le 1er juillet, ça se fête. J’lui file, lui souris et lui dis ciao. Il retraverse la rue sans trop faire gaffe aux bagnoles, ça nous fait flipper un brin.
- « Et si on se faisait des sardines grillées ce soir ? »
- « Bonne idée, ça nous changera des côtelettes. »
Il rôde toujours sur le trottoir d’en face le gamin et nous sourit. Allez, le revoilà !
- « Comment tu t’appelles ? »
- « Yvon »
- « Quoi Yvonne ? »
- « Yvan, c’est un Roumain sûrement » dit mon Jules
- « Et toi, comment tu t’appelles ? »
- « Amélie »
- « Et toi, comment tu t’appelles ? »
- « Mohammed »
- « T’as une maison ? »
- « Là où tu fais dodo», que je lui demande en mimant la chose.
- « Non »
- « Tu vas à l’école Yvan ? », demande mon homme
- « ???? »
- « L’école ? »
- « Inutile »
- « Ah ben non, c’est bien l’école »
- « Et ta maman, elle est dans le coin ? »
Regard interrogatif du minus.
- « Mama ? »
Il opine de sa p’tite tête et nous désigne un endroit un peu plus loin.
- « Roumanie ? » qu’il lui dit.
- « Oui »
- « Il doit être fraîchement débarqué. Encore perdu » m’explique mon cœur.
Ouais sûrement, vu le regard qu’il a : enfantin et grave. Triste même.
Putain, 7, 8 ans à tout casser et déjà tristounet… C’est pas juste !
Bon, va quand même falloir aller acheter nos sardines, on se lève et on le salue.
J’peux pas m’empêcher, j’lui cébouriffe la tignasse. Crade ! Un mélange de crasse et de sécheresse. Faudrait lui faire prendre un bon bain à ce gamin. Le laisser tremper, user du savon noir et le bichonner.
Faudrait…