« Kaldûn » : une féerie à la gloire des révoltés
Il est des spectacles qui vous scotchent sur place. « Kaldûn » en fait partie. La pièce écrite et mise en scène par Abdelwaheb Sefsaf nous raconte l’exil des insurgés algériens et des communards au milieu du peuple kanak en révolte. Théâtre, musique, chant, danse, vidéo… Tous les arts se conjuguent pour une épopée grandiose.
« Trois révoltes majeures en moins d’une décennie sur le territoire français. 1878 : la révolté kanak, 1871 : la Commune de Paris et trois jours plus tôt : la révolte algérienne plus connue sous le nom de révolte des Mokrani. » Abdelwaheb Sefsaf, tout de noir vêtu plante la période. Le rideau peut s’ouvrir pour un voyage détonnant, porté par quinze artistes - neufs musiciens, cinq comédiens et un danseur-slameur kanak.
On visite un zoo humain à Paris lors de l’exposition coloniale qui flatte le goût pour l’exotisme et le racialisme. Deux « spécimens kanak » sont en cage. Un écriteau prévient : « Ne pas donner à manger, ils sont nourris ». Des « sous-hommes » qu’on retrouve en Nouvelle-Calédonie en pleine colonisation française démarrée en 1853. « Tu vois les arbres de là à là-bas ? Et ben tout ça maintenant, c’est chez moi./Pourquoi ?/Parce que je suis Blanc. »
Tourbillon des arts et de l’histoire
Nous voilà maintenant à l’entrée de la Casbah de Bejaïa, les artistes portent les habits traditionnels et les instruments qui vont avec. Aziz fait partie des révoltés algériens que le pouvoir colonial français déporte en Nouvelle-Calédonie. On suit son exil. La musique orientale nous happe, les images projetées et le décor qui se transforme à souhait nous embarquent. Durant la traversée, Aziz et ses comparses côtoient les communards. Les idées de liberté et de justice fusent. « La justice de l’indigène n’est pas la justice du citoyen mais du sujet. » Louise Michel et ses acolytes racontent leur combat. Le drapeau rouge et les chants se déploient, les danseurs tournoient. Depuis, leurs cellules du bagne, ils continuent à clamer l’égalité. Bientôt, un crâne géant va devenir le totem central. Celui que des docteurs disséquaient pour prouver la hiérarchie des races. Autour de lui, des kanaks en pagne crient leur désir d’indépendance, soutenus par les bagnards. Tout se mêle, les revendications et les continents, les voix et les instruments… « Kaldûn » est un grand spectacle à la mémoire des révoltés. Une formidable ode à la fraternité à faire tourner.
« Kaldûn », texte et mise en scène de Abdelwaheb Sefsaf.
Les 30 et 31 janvier au Théâtre de Sartrouville et des Yvelines-CDN ; les 5 et 6 février à la Scène nationale de Bourg-en-Bresse (01) et du 5 au 7 mars au Théâtre du Nord-CDN Lille.
Avant-goût