La planète Di Rosa
« Hervé Di Rosa, le passe-mondes » : le Centre Pompidou nous offre une belle virée avec une trentaine d’œuvres exposées jusqu’au 26 août. L’occasion de visiter le parcours du peintre à travers ses escales en Europe, en Asie ou en Afrique et pourquoi pas son formidable musée sétois.
La mappemonde qui nous accueille à l’entrée de l’expo du Centre Pompidou résume en beauté l’univers du peintre Hervé Di Rosa. Au centre : « L’Archipel des arts modestes » constitué d’une multitude d’îlots (Canevas, Fanzines, Modèles réduits, Collages…), entouré des continents de l’Art populaire, de l’Art académique, du Street art ou des Arts appliqués. Nous voilà prévenus, la planète Di Rosa est singulière. La première salle nous le confirme avec les grandes toiles « Diropolis. La cité sans pitié » » mettant en scène un déluge de monstres ou « L’Attaque de la rue du malheur ». Des visions apocalyptiques où la couleur explose. Ambassadeur du mouvement de la Figuration libre dans les années 1980 avec son frère Richard, Robert Combas ou François Boisrond, Hervé Di Rosa s’inspire de la bande dessinée comme des jouets. En 1993, il se lance dans le projet « Autour du monde » pour se confronter à d’autres cultures. L’expo en présente quelques riches étapes.
De l’Afrique au Mexique
En compagnie d’artisans et d’artistes locaux, il s’initie à plusieurs techniques pour déployer son art en résonance avec les pays qu’il traverse. En Afrique du Sud, il collabore avec des vanniers pour tresser des câbles téléphoniques colorés et en faire une œuvre célébrant la fraternité des êtres humains (« Évolution, 1998-1999 »). En Éthiopie, il peint sur des peaux de chèvres ou de zébus et conçoit un joyeux « Repas des animaux, 1996 » ; depuis le Bénin, il travaille avec une famille de tisserands et crée le génial patchwork « La Sortie de l’usine, 1995 » où les ouvriers en casquettes font face à une hydre rosée bedonnante. L’humour traverse souvent les créations multicolores comme cet arbre de vie en terre cuite « Écoute ton corps, il est vivant, 2000-2002 », élaboré au Mexique nous montrant des organes-personnages rieurs. L’ironie aussi comme dans « Rich and Poor, 2005 », une sculpture en résine conçue en Floride qui met en scène un joyeux riche aux côtés d’un mendiant famélique.
Au pays des Renés
Si beaucoup d’œuvres exposées sont des dons effectués par Hervé Di Rosa au Centre Pompidou, quelques-unes dont les plus récentes, font partie de sa collection particulière. Et elle l’est, notamment ses tableaux où figurent ses personnages dont le visage se limite à une bouche et un œil, les Renés. Les voilà massés et opulents sous une pluie d’or dans « Gold Show, 2019 » ou curieux en découvrant une collection de masques et de figurines entreposés dans « Storage of Treasure, 2019 ». Une toile qui pourrait résumer l’artiste : celui de la Figuration libre, le voyageur chevronné comme le promoteur des arts modestes. Ce terme qu’il invente englobe toutes les « œuvres » modestes susceptibles de nous émerveiller quand on déambule au hasard « des marchés aux puces, des vide-greniers, des boutiques de souvenirs d’aéroport, des fêtes populaires et religieuses, des parcs d’attractions… » (*) Né à Sète (Hérault) en 1959, il y fonde en novembre 2000 avec l’artiste Bernard Belluc le Musée International des Arts Modestes (MIAM). « Le nom du musée, MIAM, évoque un sentiment de gourmandise des objets : on veut tout voir, on veut des milliers d’objets, des milliers d’images, des milliers de goûts. Le MIAM, ce n’est pas l’idée d’obésité, mais plutôt l’envie gourmande de l’accumulation gloutonne », explique Hervé Di Rosa (*).
Caverne d’Ali Baba
Réaménagé dans un ancien chai à vin sur les quais sétois, le MIAM rayonne aujourd’hui grâce notamment à des partenariats avec le MoMa à New-York, le MAAT à Lisbonne, le Centre Pompidou à Paris ou la collection de l’art brut à Lausanne. Depuis son ouverture, le musée a présenté plus de 1 000 artistes de toutes générations, de toutes origines, de toutes pratiques, questionnant tous azimuts les frontières de l’art contemporain. Dès l’entrée de cette véritable caverne d’Ali Baba, on retrouve notre fascination d’enfant au milieu d’une fête foraine, happés par les collections de figurines et les incroyables créations de Bernard Belluc. Chineur invétéré d’objets hétéroclites, dénichés dans les décharges, aux puces ou dans les arrières-boutiques, il compose des vitrines fascinantes qui évoquent la plage, les réclames d’entant ou l’histoire-géo. Il en assure une visite guidée tous les premiers samedis de chaque mois à 15h00. Pour lui, l’art modeste est « un art généreux qui colore les rues, fleurit les poubelles, étoile le quotidien, donne du plaisir pour quatre sous (…) » (*) « On a voulu monter le MIAM pour que plusieurs publics puissent se rencontrer », explique-t-il. Les novices qui n’osent pas pénétrer dans un musée et les connaisseurs.
(*) « Les Arts modestes », Hervé Di Rosa, Éditions de l’Atelier contemporain, 2023.
Exposition « Hervé Di Rosa, le passe-mondes » au Centre Pompidou à Paris jusqu’au 26 août.
Le Musée International des Arts Modestes (MIAM), 23, quai Maréchal de Lattre de Tassigny 34200 Sète. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 10 à 18 heures.