Une retraite rockeuse

Publié le par Amelie Meffre

Les Salt and Pepper, la chorale de retraités dunkerquois qui vibre au rythme du rock’n’roll, sont sous les feux de la rampe. Après un album et un livre en 2018, ils inspirent un film, sorti au cinéma fin 2022. Rencontre.

Une retraite rockeuse

On a découvert les Salt and Pepper il y a quatre ans au moment de la sortie du livre de Valérie Peronnet « Chœur de rockeurs » (Ed. Les Arènes) accompagné d’un album de onze titres. L’aventure étonnante de la chorale rock de retraités, le parcours de certains d’entre eux comme l’énergie qui se dégageait du disque nous avaient sacrément emballés. « Les cactus » de Dutronc, « Antisocial » de Trust, « Traffic » de Bernard Lavilliers, « Because the night » de Patti Smith, les reprises nous ont fait bouger comme quand on écoutait les morceaux originaux, il y un paquet de temps. Si c’est plutôt rare d’entendre des choristes chanter du rock’n’roll, ça l’est encore davantage quand ils appartiennent au troisième âge. Et pourtant, alors que les années filent, pourquoi imagine-t-on le même répertoire aux chanteurs retraités, du « Petit vin blanc » à « La java bleue » comme si les influences musicales des différentes époques n’avaient aucune prise sur eux ? Or, le rock a forcément un peu, beaucoup bercé leurs enfances comme leurs jeunesses. Ce n’est donc pas si surprenant que la chorale dunkerquoise, les Salt and Pepper (qu’on peut traduire par « poivre et sel »), ait vu le jour en janvier 2010. Au départ, la chorale ne devait durer que six mois durant lesquels le travail de la cheffe de chœur Nathalie Manceau était financé par la municipalité. Quand les élus ont mis fin à l’expérience, les choristes ont décidé de poursuivre l’aventure en créant une association et en salariant Nathalie.

A la rencontre des choristes
Treize ans plus tard, la chorale a donné plus de 200 concerts dans des salles de spectacle, dans les rues, les maisons de retraite ou en prison et accumule les sollicitations scéniques comme médiatiques. Surtout depuis la sortie au cinéma du film « Chœur de rockers » d’Ida Techer et Luc Bricault. Génialement interprété par des comédiens hors pairs tels Andréa Ferréol, Myriam Boyer, Anne Benoît ou Bernard Le Coq, le long métrage s’inspire de l’histoire des Salt and Pepper. Le 3 janvier, nous voilà en gare de Dunkerque pour les rencontrer lors de leur répétition hebdomadaire à la salle polyvalente des Glacis. Le soleil comme les mouettes sont de la partie. Longeant le Quai des Hollandais et traversant le canal Exutoire, nous arrivons vite à proximité de la salle vers laquelle trois, quatre choristes s’acheminent. La veille nous avons vu le film et donc reconnu José qui y a participé. On peut donc se présenter et leur emboîter le pas. Annie, bien que malade, est venue expliquer son absence aux membres. Après avoir travaillé dans une banque où elle a bataillé pour la révision de la convention collective - Elle est toujours syndiquée à l’UL CGT de Roubaix où elle a eu des responsabilités -, elle est devenue prof d’anglais, un rêve de jeunesse, baignée dans le rock. Quand la chorale s’est montée, elle a foncé et a même monté un atelier pour aider ses collègues à dompter les paroles des Pink Floyd, des Queens ou des Beatles.

Une retraite rockeuse

Penser à la bouche de Mick
Dans la salle, tandis que Philippe Lanoote, président de l’association et Nathalie, la cheffe de chœur, installent le matériel (micros, ordinateur, synthétiseur), les choristes se souhaitent la bonne année en hésitant à se faire la bise avec les virus qui circulent. Après qu’Annie ait expliqué son pépin de santé et qu’une dizaine de collègues lui a donné l’accolade, que Francine ait remercié les signataires d’une pétition orchestrée par Amnesty International, Philippe fait le point sur les rendez-vous à venir. La semaine prochaine, 8 candidats viendront à la répétition, le 22 janvier, concert et projection du film à Merville (Nord), les 27 et 30, concerts pour les vœux des maires de Petite-Synthe et de Malo-les-Bains, le 10 mars, dilemme entre deux scènes…
Aujourd’hui, Nathalie leur fait bosser « Miss you » des Rolling Stones dont Marie est une fan de la première heure. Les choristes sortent les paroles, crayon en main pour les annoter. Chanter en rythme, trouver le feeling, rester attentifs. « Arrêtez de parler, nom d’une pipe ! Pensons à la bouche de Mick Jagger ! » Nathalie leur a fait travailler le morceau pendant une heure qu’ils continueront à bûcher chez eux une semaine durant. Place aux Queens et à « We will rock you ». Là, ça démarre au quart de tour, les choristes chantent, se déhanchent, battent des mains et lèvent le poing. On est bluffé. Ils ont rodé le morceau en concert, même s’ils doivent encore affiner leur chorégraphie. Nathalie qui a l’âge de leur fille est exigeante. Elle termine la séance par un exercice de respiration. En attendant, nous nous sommes pris un sacré bol d’air face à la trentaine de retraités à l’accueil chaleureux et à la frite hautement communicative.

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