Championnes du monde
La dernière Coupe du monde a fait à juste titre polémique. La pièce « Féminines » de Pauline Bureau qui revisite l'ascension de l'équipe de foot de Reims dans les années 1970 a tout pour faire l'unanimité.
Des femmes sur un terrain de foot : l'attraction imaginée en 1968 par un journaliste pour la kermesse de « L’Union » de Reims va faire événement. S'inspirant de l'histoire de cette équipe devenue championne du monde dont elle a rencontré plusieurs protagonistes, Pauline Bureau en tire un spectacle haut en couleur. Elle y questionne l'esprit d'équipe, la soif d'émancipation comme les préjugés. Sur le plateau central transformé en vestiaires, on observe la formation de l'équipe entre Joana, jeune sportive aguerrie, Jacqueline, femme au foyer qui débarque en espadrilles et le coach bienveillant. Sur l'écran vidéo qui surplombe la scène, on suit la progression des joueuses sur le terrain.
Ça court, ça tombe, ça se plante, ça encaisse et ça marque.
Le décor se transforme et on pénètre dans les foyers : la salle à manger où la gamine Marinette cache sa passion du ballon à un paternel ras du front, la chambre où Rose se fait cogner par un mari qui refuse qu'elle continue à travailler. En hauteur, l'écran laisse place à un plateau où trois ouvrières s'échinent sur les chaînes de l'entreprise Gravix. Elles se mettront en grève en ce printemps 1968. Pas simple de s'affranchir... Les personnages joués avec brio par les acteurs de la compagnie (*) éclairent tous les terrains : sportif, intime, politique. Les scènes sont souvent cocasses telles celle où Marinette se plante copieusement dans ses entrechats, plus sombres quand les ouvrières enchaînées à leur machine répètent les mêmes gestes voire graves quand la violence se pointe.
« Féminines » est une pièce enthousiasmante d'autant qu'elle décrit une ascension fulgurante : l'équipe de foot va enchaîner les tournées y compris aux États-Unis avant de gagner la Coupe du monde à Taipei (Taïwan) en 1978. Un exploit à plus d'un titre quand on sait que la passion footballistique fut interdite aux femmes par le régime de Vichy via une liste des sports qui leur sont prohibés.
Grâce à un florilège de figures comme de situations, « Féminines » souligne aussi les points de tension qui surgissent quand les femmes sortent du cadre. « Si la définition du féminin change, celle du masculin aussi et tout le monde a à y gagner, dans une identité plus complète », résume la metteuse en scène. Après ses pièces tirées d'entretiens avec des habitantes de Sevran, « Mon cœur » sur le scandale du Médiator et la figure d'Irène Frachon ou « Hors la loi » autour du procès de Bobigny de 1972, Pauline Bureau et sa troupe signent une fois encore un spectacle salutaire. Et la bonne nouvelle, c'est qu'il reprend un peu partout en France dès février. Courez-y !
(*) Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Marie Nicolle, Louise Orry-Diquéro, Anthony Roullier et Catherine Vinatier.
Pauline Bureau, étant artiste associée au Théâtre des Quartiers d'Ivry, elle redémarre sa tournée au TQI, du 8 au 18 février, relâche le lundi. La tournée se poursuit de Bron à Bordeaux (www.part-des-anges.com/agenda/)