Aux vaccins, citoyens !

Publié le par Amelie Meffre

"Au microbe fringant" by Plonk et Replonk

"Au microbe fringant" by Plonk et Replonk

On a beau avoir le tempérament plutôt joyeux voire optimiste, faut quand même avouer que les occasions de franches rigolades se font rares. Avec cette faucheuse qui s’en donne à cœur joie et les élus qui en font des caisses, on a tôt fait de broyer du black. Pourtant, le vaccin n’est pas loin. Rappelons-nous…

"La pandémie est en pleine accélération, les cas graves sont en pleine accélération et les cas mortels aussi en pleine accélération." Ça use un peu de la redite mais bon, l'heure est grave ce 25 novembre 2009. Roselyne Bachelot, ministre en charge de la Santé, martèle et s'énerve contre ceux qui doutent de la vaccination des minots : "J'ai envie de les emmener dans un service de réanimation pour qu'ils voient des jeunes avec des poumons complètement détruits par la grippe H1N1." Faut faire fissa alors que 396 écoles sont fermées pour cause de grippe A et que les Réseaux des groupes régionaux d'observation de la grippe (Grog) tirent les sonnettes d'alarme. Le dispositif de vaccination est musclé : plus d'un millier de centres répartis sur toute la France doivent pouvoir immuniser 6 millions de personnes par mois. Au final, entre novembre 2009 et juin 2010, les centres n'auront piqué "que" 4 millions de personnes alors que 94 millions de vaccins ont été commandés... Pour un montant d’environ un milliard d’euros. Les rapports des commissions d'enquête de l'Assemblée nationale comme du Sénat de juillet 2010 soulignent l'échec du plan de vaccination mais aussi le poids des lobbys dans la gestion de crise.

Le principe de précaution, le risque zéro comme la gestion de l'urgence ne sont pas simples... Au 19e siècle, on se pressait moins. Ainsi la loi du 15 février 1902 qui instaura pour la première fois l'obligation de vaccination contre la variole va mettre une trentaine d'années à s'imposer. Téléportation.

Crédit : Henri Meffre

Crédit : Henri Meffre

En fait, il faut remonter au conflit franco-prussien et à la grande flambée variolique de l'hiver 1870-1871, quand on dénombre 200 000 morts dans l'Hexagone. On prend alors conscience que la France est très en retard vis-à-vis de ses voisins européens notamment allemands. Quelque 23 400 soldats français meurent de la variole, alors qu'on en compte à peine 500 chez leurs homologues allemands soumis à la revaccination systématique. Ceci ne veut pas dire que la vaccination antivariolique n'existe pas en France, il y a même eu de vastes campagnes au début du 19e siècle : 150 000 vaccinations en 1806 et 750 000 en 1812. Ça prend plutôt bien mais la vaccination n'est pas obligatoire et ça se relâche dans les années 1820. Et puis surtout les revaccinations ne sont pas systématiques. Or, après l'hécatombe de 1870, des voix vont s'élever pour mettre en place une véritable politique sanitaire à l'échelle nationale. C'est le cas du doyen de la Faculté de médecine Paul Brouardel ou encore de Henri Monod, futur directeur de l'Assistance publique, qui vont défendre la cause hygiéniste auprès des médecins parlementaires, comme Victor Cornil ou Henri Liouville. En 1880, ce dernier dépose un projet de loi en faveur de l'obligation vaccinale antivariolique. Il faut dire qu'une telle obligation existe déjà au Danemark depuis 1810, en Suède depuis 1816 ou encore en Grande-Bretagne pour les nourrissons depuis 1853. La France est plus qu'à la traîne. La proposition est adoptée par une majorité mais ne connaîtra pas de suite. Les années suivantes, les membres du Comité consultatif d'hygiène publique n'ont de cesse de soumettre des propositions en faveur d'une organisation de la médecine publique à l'échelon national. Au-delà de la vaccination contre la variole, il s'agit d'organiser au mieux la veille sanitaire et de mener à bien l'assainissement des logements insalubres. Les différents textes vont être ballottés entre la Chambre et des commissions ad hoc jusqu'à ce qu'en juin 1893, la proposition de loi d'Edouard Lockroy soit examinée en urgence par la Chambre (il était temps, 13 ans après le premier texte en la matière). Elle sera votée.

Inspecteurs sanitaires
Le texte est alors déposé au Sénat. Au fil des ans, il n'a cessé de s'étoffer au point de prévoir la création d'inspecteurs sanitaires dans les départements. Et là, les débats se corsent. Non seulement, la majorité des médecins - et ils sont nombreux parmi les sénateurs - ne sont pas favorables à l'obligation de la vaccination, au nom de la liberté mais surtout la fronde s'élève face à une loi qui entend remettre en cause les pouvoirs communaux. Il s'agit d'organiser une veille sanitaire au niveau départemental et d'obliger les communes à faire des travaux d'assainissement. En 1897, lors de la première lecture au Sénat, les opposants défendent la loi municipale de 1884 qui édicte les grands principes de l'autonomie des communes. Le sénateur François Volland dépose un amendement contre la création d'inspecteurs départementaux. "Ne craindriez-vous pas, déclare-t-il, par la loi d'hygiène, d'avoir armé les représentants du pouvoir central du droit de pénétrer quand ils voudront, sur un ordre venu de Paris, de jour et de nuit, jusque dans l'intérieur de nos domiciles". Il remporte un franc succès. Un sénateur crut bon d'ajouter : "Où il y a de l'hygiène, il n'y a pas de plaisir".

Finalement, le texte revient en deuxième lecture trois ans plus tard, largement remanié : le pouvoir des maires est préservé, le conseil départemental d'hygiène instauré n'a qu'un rôle consultatif, la mise en place d'un bureau municipal d'hygiène n'est obligatoire que pour les communes de plus de 20 000 habitants. La loi sera définitivement adoptée le 15 février 1902. Et  comme le résume l'historien Lion Murard  : «  un maire qui ne veut pas, un préfet qui n'ose pas, un hygiéniste qui ne peut pas  », cela va faire que cette loi sera peu appliquée. La vaccination antivariolique est certes devenue obligatoire au cours de la 1re, de la 11e et de la 21e année mais de nombreuses communes ne dressent pas la liste des vaccinés et les avertissements comme les sanctions sont rares. Quoiqu'il en soit, la variole va quand même être éradiquée. Une dizaine d'années après le vote de la loi, on ne connaîtra plus d'épidémies en France. Il faudra quand même attendre 1984 pour que la vaccination antivariolique soit définitivement abandonnée.

Rassurons-nous donc et prenons soin de nos carcasses !

 

 

Publié dans Covid 19

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