L'Acte de 1976 et les élections européennes

Publié le par Amelie Meffre

L'Acte de 1976 et les élections européennes

Chronique « Un saut dans la loi », diffusée le 31 mai 2019 dans la Fabrique de l'histoire sur France Culture.

Comme chaque mois, vous nous rappelez un texte ancien en fonction de l'actualité et depuis janvier, vous consacrez votre « Saut dans la loi » à la construction européenne. Alors que dimanche, une majorité d'Européens votaient, vous nous rappelez l'acte communautaire du 20 septembre 1976 qui entérine la décision d'élire au suffrage universel direct les députés européens.

Cette décision n'aboutira qu'après de longs débats. Le traité de Rome, signé en 1957, qui met en place une Assemblée parlementaire européenne, prévoit dans son article 138 que les députés seront élus au suffrage universel direct. Mais le Parlement n'ayant qu'un rôle consultatif, ça va prendre plus de vingt ans à se concrétiser. En attendant, les députés sont désignés par chaque parlement national des États membres.
Il faudra en fait dépasser le dilemme qui se pose à l'époque : doit-on renforcer les pouvoirs du Parlement européen naissant avant de mettre en place des élections ou doit-on les organiser au plus vite pour les renforcer ? Les députés bataillent pour cette dernière option et ils adoptent dès le mois de mai 1960 une convention en ce sens. Et en juin 1963, le Parlement vote une résolution qui plaide pour un renforcement de ses pouvoirs via l'élection directe de ses membres. La France s'y oppose car selon le général de Gaulle, le Parlement européen ne disposant pas de pouvoir budgétaire et législatif, il ne doit pas être élu au suffrage universel. Pourquoi mobiliser l'électorat pour une institution peu connue et dénuée de véritables pouvoirs politiques ? Et puis, de Gaulle plaide pour une Europe des Nations, se méfiant de toute supranationalité, les parlements nationaux devant rester souverains.

 

Le rapport Vedel
Quoiqu'il en soit, en mars 1971, la Commission européenne finit par mettre sur pied un groupe de travail présidé par Georges Vedel, doyen de la Faculté de droit. Il doit plancher sur un renforcement des compétences du Parlement. Un an plus tard, le groupe publie un rapport qui préconise une extension des pouvoirs du Parlement, via la mise en place sur les questions importantes d'une co-décision entre l'Assemblée de Strasbourg et le Conseil des ministres. Le rapport Vedel se prononce également pour l'élection au suffrage universel direct du Parlement, sans en préciser les contours.
L'idée fait donc son chemin et en décembre 1974, lors du sommet de Paris, le président Valéry Giscard d'Estaing accepte l'élection directe du Parlement, à condition que soit créé un Conseil européen des chefs d’État se réunissant au moins trois fois par an. Ce qui sera fait. On met sur pied un nouveau projet de convention et on réunit les chefs d’États en juillet 1976 pour finaliser un accord. Le 20 septembre 1976, les représentants des neuf États membres adoptent enfin à Bruxelles l'Acte portant sur l'élection des députés européens au suffrage universel direct. En 16 articles, le texte précise les modalités des élections. On double le nombre de députés qui seront 410, répartis selon la taille de chaque État membre, élus pour cinq ans et pouvant cumuler mandat européen et mandat national.

 

"L'Europe, c'est l'espoir"
Une fois signé, l'Acte est ratifié par tous les membres de la Communauté à une très forte majorité même si, en France, les gaullistes et les communistes s'y opposent toujours. A cet égard, le 10 février 1977, Jean-Paul Sartre fustige dans Le Monde la construction d'une Europe du capital et appelle les militants socialistes à ne pas ratifier le projet de loi. Mais bon, il le sera. Et les premières élections européennes se dérouleront en juin 1979, avec une affiche de campagne signée Folon nous livrant un citoyen volant vers de nouveaux cieux, sous le slogan « L'Europe c'est l'espoir ». En France, au soir des résultats, la liste UDF menée par Simone Veil arrive en tête avec 27,6 % des voix, suivie par celle du PS et du MRG de François Mitterrand avec 23,5 % tandis que celle du PCF de Georges Marchais recueille 20,5 % et celle du RPR de Jacques Chirac 16,3 % des suffrages. Notons qu'on déplore alors la faible participation qui avoisine pourtant les 60% quand on se réjouit d'une remontée à plus de 50%, cinquante ans plus tard.
En attendant, au parlement européen, présidé par Simone Veil, la majorité des 410 députés se répartit entre le groupe socialiste (112 élus) et le Parti populaire européen (108 élus). Une fois acquise la légitimité démocratique, reste au Parlement à étendre ses pouvoirs législatifs, ce qui ne sera pas une mince affaire.

On peut lire d'Olivier Costa et Nathalie Brack, « Le fonctionnement de l'Union européenne », paru aux éditions de l'Université libre de Bruxelles en 2014 et consulter le très riche site du Centre virtuel de la connaissance sur l’Europe : https://www.cvce.eu/

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