Le traité du 18 avril 1951 qui créa la CECA
Chronique « Un saut dans la loi », diffusée le 25 janvier 2019 dans la Fabrique de l'histoire sur France Culture
Comme chaque mois, vous nous rappelez un texte ancien en fonction de l'actualité. Pour cette nouvelle année, vous consacrez votre « Saut dans la loi » à la construction européenne, élections oblige. Alors que mardi, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont signé un nouveau traité de coopération franco-allemand à Aix-la-Chapelle, vous revenez sur le traité de Paris du 18 avril 1951 qui mit en place la Communauté économique de charbon et de l'acier (CECA).
Alors évidemment, une conscience européenne est née bien avant les années 1950, les voyages des artistes ou des penseurs en attestent. Mais bon, disons que c'est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que l'idée de construire une politique commune voit le jour. Jean Monnet, chargé fin 1945 par de Gaulle de relancer l'économie, en tant que commissaire au Plan, songe à une union européenne, garante d'une paix durable.
En plein début de guerre froide où ça chauffe quand-même, c'est prudent. Pour ce faire, il envisage d'unifier la production du charbon et de l'acier sous une Haute Autorité supranationale. Je vous passe les coulisses des tractations mais au printemps 1950, il présente son projet à Robert Schuman, alors ministre des Affaires étrangères. Celui-ci applaudit et l'annonce en grandes pompes le 9 mai 1950.
Création de la CECA
« La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. (…) L'Europe n'a pas été faite, nous avons eu la guerre », déclare-t-il. Puis, il détaille la mesure principale à savoir placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, ouverte aux autres pays d'Europe. Un mois plus tard, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg engagent les négociations à Paris sur l'organisation de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, la fameuse CECA, la voilà. Moins d'un an plus tard, le 18 avril 1951, le traité l'instituant est signé à Paris par les ministres des six États, pour une durée de cinquante ans. Ça fait du monde sur la photo : le chancelier allemand Konrad Adenauer, Robert Schuman ou Carlo Sforza pour l'Italie pour ne citer qu'eux.
Votes nationaux
C'est donc la supranationalité qui domine le traité, lequel prévoit une Haute Autorité donc, une Assemblée commune, un Conseil spécial de ministres et une Cour de justice. Reste à ratifier le texte dans chaque pays. Dans l'ensemble, ça ne se passe pas trop mal. Au Luxembourg, aux Pays-Bas, le traité est adopté à une très large majorité. Même chose en Belgique où la Chambre des députés l'approuve à 191 voix contre 13. Idem en Italie ou en Allemagne.
En France, en revanche, ça coince du côté des communistes opposés au plan Schuman et des gaullistes qui se méfient du caractère supranational de la Haute Autorité. Mais enfin, le 13 décembre 1951, 377 députés votent pour le traité et 233 contre. Bon, il faut avouer que la vie politique française traverse une forte zone de turbulence : ça valse à tout va sous la Quatrième République avec des chassés-croisés de René Pleven et d'Henri Queuille à la présidence du Conseil.
Marché commun
Mais revenons à nos affaires européennes. Une fois le traité ratifié par tout le monde, il entre en vigueur le 15 juillet 1952 et ses instances se mettent en place. Un marché commun du charbon et de l'acier est instauré, dominé par le principe de libre concurrence même si la Communauté contrôle la fixation des prix. Il est ouvert le 10 février 1953 pour le charbon et le 1er mai pour l'acier. Ainsi le traité de Paris de 1951, en mettant en place la CECA, va permettre l'élargissement du cadre communautaire à d'autres secteurs économiques avec la création, en 1957, de la Communauté économique européenne et de l'Euratom.
Maintenant, CECA ou pas, la crise charbonnière, liée à la concurrence des hydrocarbures, a frappé les pays européens, comme le souligne « Le Monde », en 1970. Si le quotidien dresse un bilan mitigé, 20 ans après la signature du traité, il met tout de même en avant les performances sociales, rappelant que la CECA a pris en charge la moitié des frais de reclassement des salariés au chômage du fait de la fermeture de mines ou d’aciéries. Quoiqu'il en soit, que tout le monde se rassure, en 1951 comme en 2019, l'Alsace-Lorraine est restée française.
On peut lire d'Olivier Costa et Nathalie Brack, « Le fonctionnement de l'Union européenne », paru aux éditions de l'Université libre de Bruxelles en 2014 et consulter le très riche site du Centre virtuel de la connaissance sur l’Europe.