« Antigone 82 » : ode à la paix

Publié le par Amelie Meffre

« Antigone 82 » : ode à la paix

THÉÂTRE. Seul l'art peut nous apaiser en ces temps troublés. Et "Antigone 82" s'en charge en nous plongeant dans la guerre du Liban pour mieux prôner la paix. La pièce d'après "Le quatrième mur" de Sorj Chalandon, mise en scène par Jean-Paul Wenzel, se joue à l'Epée de bois jusqu'au 3 février. Ne la manquez pas.

 

« Pourquoi cette pièce ? Je veux dire, le Liban est un pays en guerre et nous ne sommes pas réunis autour d'un texte qui parle de paix », s'énerve Madeleine, l'actrice chaldéenne qui va camper la nourrice de l'« Antigone » d'Anouilh. La pièce doit se jouer une seule fois dans un ancien cinéma de Beyrouth, quand tous les acteurs - chrétien, chiite, palestinien, sunnite et druze – seront réunis. Une gageure en 1982 dans un pays à feu et à sang portée par le metteur en scène Samuel Akounis, grec, exilé à Paris à la fin de la dictature des colonels. Malade, il confie le défi à son ami Georges. Tout est calé : les documents officiels pour chaque camp, les contacts avec les comédiens, reste à convaincre les familles. Jeune papa amoureux, Georges part au Liban pour tenter de finaliser le projet.

 

Du roman à la scène
Sorti en 2013 chez Grasset, prix Goncourt des lycéens, « Le quatrième mur » de Sorj Chalandon, ancien grand reporter à « Libération », écrivain et journaliste, s'apparente au chef-d’œuvre. En nous plongeant dans l'enfer libanais via le théâtre, le roman nous fait vivre la guerre dans toute son horreur et sa complexité. Via une palette de personnages aussi riches que divers et des allers-retours avec la France, l'empathie opère. Les émotions nous submergent au fil des pages. La force de la littérature risque souvent de s'amoindrir dans les transpositions cinématographiques ou théâtrales. La pièce « Antigone 82 », adaptée du roman par Arlette Namiand et mise en scène par Jean-Paul Wenzel, était là encore un défi à relever comme dans l'histoire. La troupe s'en charge sans fausses notes.

Spectateurs en haleine
Les gradins entourant la scène, nous sommes au cœur du récit à tel point que quand les acteurs se mêlent au public pour s'apostropher ou s'applaudir, on est tenté d'en faire autant. Et s'ils sont sur le plateau, ils sont tout proches. Nathan Gabily à la guitare et Hassan Abd Alrahman au chant et au Oud jouent en live en même temps qu'ils tiennent différents rôles. Sur un écran vidéo, les échanges entre les personnages, parfois filmés en direct, dans des va-et-vient entre Beyrouth et Paris à la manière de Skype, nous captivent. La proximité à l’œuvre dans le roman de Chalandon est restituée par la mise en scène et le jeu des acteurs. Tous sont à la hauteur d'un texte complexe quand tous les rôles, exceptés ceux de Georges (Pierre Giafferi) et de son chauffeur libanais Marwan (Hammou Graïa), sont multiples. Ainsi, Lou Wenzel incarne Imane, la Palestinienne qui sera Antigone quand Fadila Belkebla campera Khadijah, actrice chiite devant jouer Eurydice mais aussi Simone, ancienne ouvreuse de cinéma ou le docteur Cohen...
Tous les ingrédients sont réunis pour nous tenir en haleine de bout en bout, submergés par les émotions à l'instar du roman de Chalandon. Quand on passe du rire aux larmes et qu'on se dit que la paix, c'est sacré.

« Antigone 82 » : ode à la paix

« Antigone 82 », mise en scène par Jean-Paul Wenzel, jusqu'au 3 février 2019 au Théâtre de l’Épée de bois.

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